UNE APPROCHE ALTERNATIVE POUR DIMINUER LA PROGRESSION DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
Résumé d'un projet réalisé dans le cadre du cours GCH6918 - Projet d'Études Supérieures École Polytechnique de Montréal
Par
Denis BOYER
Étudiant au programme de D.E.S.S. Énergie et développement durable
Le 13 juin 2011
Table des matières
1 Introduction.
2 Problématique
3 Principes thermiques de réchauffement sur une base diurne
3.1.1 Le rayonnement thermique
3.1.2 La conduction thermique
3.1.3 La convection
4 Évaluation de l'impact de peindre un toit en blanc
5 Aspect financier
6 Conclusion
8 Références bibliographiques
Liste des tableaux
Tableau 1: Énergie solaire incidente versus énergie réfléchie, selon le matériau.
Tableau 2 : Énergie solaire incidente versus énergie réfléchie, selon le matériau.
Tableau 3 : Coefficient d'absorption de différents matériaux
1 Introduction
La menace des changements climatiques est aujourd'hui sur toutes les lèvres, malgré la divergence d'opinion de certains groupes qui mettent toujours en doute la véracité du lien anthropique entre les nombreuses manifestations du bouleversement du climat et l'activité humaine. Puisque le péril pour la survie même de l'espèce humaine, sans oublier les millions d'autres espèces vivantes au coeur de la biodiversité en général, est sans précédent, une extrême prudence doit dicter l'approche de l'humanité pour faire face à la crise et éviter un désastre incomparable dans l'histoire du genre humain. Il importe d'agir maintenant et sur plusieurs fronts, de façon à faire cesser la progression de la hausse de la température moyenne du globe, la fonte des glaciers qui desservent en eau une part importante de la population mondiale, la montée des eaux qui met en danger les habitants des nombreuses villes côtières, la désertification des terres arables qui réduit la capacité de production agricole, sans compter la forte croissance et la force croissante des phénomènes météorologiques tels que les ouragans, les tornades et les pluies diluviennes.
Outre le défi relié au dérèglement du climat, une quantité importante de moyens est gaspillée chaque année aux quatre coins du globe pour abaisser la température de l'espace familial ou de travail, puisant typiquement l'énergie requise à même une ressource appelée à être épuisée tôt ou tard, et dont le coût d'utilisation, autant pour son achat que pour contrer ses effets sur la santé et les écosystèmes, croît rapidement année après année. De plus, si les populations des pays développés peuvent d'ores et déjà se permettre la climatisation de leur habitat, il en est autrement pour une fraction importante de l'humanité pour qui un milieu de vie agréable demeure un luxe inabordable.
Nous examinerons dans les paragraphes qui suivent une façon d'atténuer une partie des problèmes cités plus haut et du même coup de se donner un peu de temps pour mettre en lumière le lien anthropique avec les changements climatiques et de trouver des solutions à long terme à la demande grandissante d'énergie.
2 Problématique
Une approche simple et relativement peu coûteuse pour faire face à la crise énergétique que nous commençons à entrevoir et aux changements climatiques qui lui sont intimement liés consisterait à améliorer l’efficacité énergétique des systèmes déjà en place partout à travers le monde, en commençant préférablement par les domaines et les régions pouvant apporter le plus grand avantage à plus faible coût. On pourrait ainsi maximiser le bénéfice environnemental sur une courte échelle temporelle et investir simultanément sur des projets de plus grande envergure et de longue haleine pour le plus long terme. Une avenue particulièrement élémentaire qui a déjà été évoquée 1 serait de peindre en blanc la toiture des habitations de sorte qu’une partie importante de l’énergie solaire incidente soit réfléchie vers les cieux, sous forme de rayonnement visible. Bien qu’il s’agisse d’une technique apparemment simpliste, ce serait, selon le secrétaire de l’énergie des États-Unis, M. Steven Chu, prix Nobel de physique, une option qui, appliquée aux toits et aux routes de la planète aurait le même impact que d’éliminer toutes les voitures du globe pendant 11 ans.2
Il y aurait donc un certains nombres de bénéfices à tirer d’un point de vue individuel, local et global, de mettre en œuvre un projet planétaire pour rendre les toitures plus réfléchissantes :
a) pour les membres d’une maisonnée, cela se traduirait par un milieu de vie plus confortable et agréable tout en permettant une réduction de la facture d'énergie reliée à la climatisation;
b) au niveau local, cela devrait contribuer à réduire les ilots de chaleur et à abaisser la température ambiante en milieu urbain, réduction qui serait particulièrement appréciée même aux latitudes plus élevées avec les phénomènes de plus en plus fréquents de vagues de chaleurs; et
c) au niveau global, cela donnerait lieu, comme le suggérait M. Chu, à un albédo planétaire plus élevé et donc, une moins grande élévation de la chaleur du globe au cours d’un cycle diurne, de même qu’une réduction des émissions de GES dues à l’utilisation d’électricité de source fossile pour la climatisation.
Soulignons également que la bande tropicale et sa périphérie, qui reçoivent la radiation solaire la plus directe, donc intense, sur une base annuelle, sont aussi généralement les plus démunies, faisant en sorte qu’une large tranche de la population mondiale doit supporter l’inconfort qui résulte de sa position géographique mais serait incapable de participer financièrement à un programme planétaire d’augmentation de la réflectivité des toitures; il faudrait donc que les pays riches envisagent le financement d’un tel programme.
Cette aide ne serait pas fournie sur une base altruiste car d'une part, les pays développés sont grandement responsables de l'élévation du niveau de CO2 dans l'atmosphère et d'autre part, toutes les nations souffriront de manière solidaire, qu'elles le veuillent ou non, des effets néfastes du dérèglement climatique. Les pays riches ont donc un intérêt purement « égoïste » à venir en aide aux régions pauvres afin de réduire le réchauffement climatique.
3 Principes thermiques de réchauffement sur une base diurne
a radiation solaire moyenne qui entre dans la couche extraterrestre de l’atmosphère est atténuée substantiellement en passant à travers une bande atmosphérique plus ou moins importante avant d’arriver au sol, selon l'élévation du soleil et les conditions météorologiques prévalentes. L’absorption et la dispersion par les particules en suspension dans l’atmosphère (ozone, vapeur d'eau, dioxyde de carbone, et autres) empêchent la transmission d’une partie de l’énergie solaire. Les nuages constituent un exemple courant de phénomène bloquant la radiation directe. La valeur maximale de rayonnement survient à midi solaire aux emplacements géographiques où le soleil se trouve à 90° d'élévation au zénith (zone tropicale), particulièrement en terrain élevé et ayant un climat sec.
Lorsqu'un faisceau de rayonnement est incident à la surface d'un corps, une partie du faisceau est réfléchie, une partie est absorbée et une autre peut être transmise à travers le corps. Ces propriétés sont fonction non seulement de la surface d'intérêt mais aussi de la longueur d'onde du rayonnement incident. Mentionnons en passant que la dépendance du rayonnement sur la longueur d'onde est responsable de l'effet de serre. Une serre est chaude à l'intérieur même si l'extérieur est froid car la transmissivité du verre le rend transparent au spectre visible bien qu'il soit opaque à l'infrarouge thermique émis par l'intérieur de la serre. C'est aussi ce qui se passe à l'échelle de la planète, où le CO 2 et autres gaz atmosphériques agissent comme le verre d'une serre. En particulier, plus une surface est réfléchissante, moins elle absorbe l'énergie du rayonnement.
L'apport en énergie à une surface soumise au rayonnement solaire altérera sa température jusqu'à ce que la surface éclairée soit en équilibre avec son environnement. Cet équilibre sera atteint par le biais de divers mécanismes de régulation : le rayonnement, la conduction et la convection.
3.1.1 Le rayonnement thermique
La radiation thermique est une forme d'émission et de transmission d'énergie qui ne dépend que de la température et des caractéristiques émissives de la surface, sans le moindre support de conduction. 3 Ce rayonnement, comme toutes les ondes électromagnétiques, se propage à la vitesse de la lumière. Bien que les autres mécanismes de transfert d'énergie requièrent un médium pour que le transfert puisse avoir lieu, le rayonnement électromagnétique peut se réaliser dans le vide absolu, tel que l'illustre le cas du soleil dans l'espace.
En absence d'autres mécanismes de transfert de chaleur, une surface foncée éclairée par le soleil de midi serait excessivement chaude alors qu'une surface pâle serait relativement froide. En réalité, l'expérience courante nous rappelle que les écarts de température ne sont pas si extrêmes. Ceci vient du fait que d'autres phénomènes de transfert de chaleur entrent en jeu et altèrent la température de surface du matériau de manière significative. Nous pouvons noter cependant qu'en diminuant le coefficient d'absorption d'une surface tout en augmentant son rayonnement, on arrive à réduire sa température de surface.
Il est à noter que l'énergie incidente qui n'est pas absorbée par la surface est réfléchie en très grande partie vers l'espace intersidéral alors que la partie absorbée dans un premier temps et par la suite rayonnée par la surface due à sa température sera en partie interceptée (absorbée) par l'atmosphère et réémise vers la terre. C'est le principe de l'effet de serre planétaire et ceci est dû au fait que la couche de gaz dans l'atmosphère est beaucoup plus transparente au rayonnement du visible qu'à l'infrarouge émanant de sources terrestres relativement froides.
3.1.2 La conduction thermique
La conduction est le seul mode de transfert de chaleur dans un milieu solide opaque. Elle est due à la vibration moléculaire ou du réseau ou dans le cas d'un métal, à la dérive des électrons libres. Lorsqu'un gradient de température existe dans un tel milieu, une certaine quantité de chaleur sera transférée de la région la plus chaude vers la plus froide et le taux de transfert de chaleur par conduction est proportionnel au gradient de chaleur et à la surface par laquelle la chaleur est transmise.
3.1.3 La convection
Lorsqu'un fluide entre en contact avec un solide dont la température diffère, un échange d'énergie thermique a lieu; le processus qui entre en jeu est le transfert de chaleur par convection. Deux types de processus de convection peuvent avoir lieu : la convection naturelle ou libre et la convection forcée. Dans le premier cas, la différence de densité du fluide qui est en contact avec la surface du solide par rapport au fluide environnant agit pour créer un déplacement vertical sous l'effet de la poussée d'Archimède (l'air chaud étant moins dense que l'air froid, il flotte). Dans le second cas, la convection est provoquée par une circulation artificielle d'un fluide (e.g. le vent).
4 Évaluation de l'impact de peindre un toit en blanc
On trouvera au tableau 1 ci-dessous le flux d'énergie moyenne reçu par unité de surface (1 m 2) sur un plan horizontal en fonction de l'heure du jour et nous comparerons cette énergie incidente à l'énergie réfléchie par la surface en fonction de la substance qui la recouvre : béton, latex ou une peinture réfléchissante spéciale (e. g. SUPER THERM®). Ces flux tiennent compte des trois mécanismes de régulation de température de la surface mentionnés à la section précédente. Nous pourrons ainsi évaluer l'impact global de l'application d'une mince couche de ce produit sur les toitures des maisons.
Tableau 1: Énergie solaire incidente versus énergie réfléchie, selon le matériau.
t (heures) |
Énergie incidente (W) |
Béton (W) |
Peinture blanche au latex (W) |
SUPER THERM® (W) |
8 |
816 |
326 |
653 |
785 |
9 |
1063 |
425 |
851 |
1023 |
10 |
1156 |
462 |
924 |
1112 |
11 |
1199 |
480 |
959 |
1153 |
12 |
1219 |
488 |
976 |
1173 |
13 |
1226 |
490 |
980 |
1179 |
14 |
1219 |
488 |
976 |
1173 |
15 |
1199 |
480 |
959 |
1153 |
16 |
1156 |
462 |
924 |
1112 |
17 |
1063 |
425 |
851 |
1023 |
18 |
816 |
326 |
653 |
785 |
Si on fait la somme de chaque colonne, on aura essentiellement la quantité d'énergie (en W·h) réfléchie au cours d'une journée. C'est ce que montre le tableau 2 ci-dessous.
Note : Les calculs ont été effectués sur la base d'un soleil qui passe par le zénith au cours du cycle diurne, ce qui n'est strictement vrai que dans la zone tropicale. On peut cependant faire le même exercice pour des latitudes plus élevées. La bande tropicale est toutefois plus intéressante vu son ensoleillement abondant.
Tableau 2 : Énergie solaire incidente versus énergie réfléchie, selon le matériau.
|
Énergie incidente |
Béton |
Peinture blanche au latex |
SUPER THERM® |
Total (W·h) |
12132 |
4852 |
9706 |
11671 |
Ainsi, une toiture en béton réfléchie 40% de l'énergie incidente, soit 4 850 W·h/m 2, la peinture au latex
80% ce qui correspond à 9 700 W·h/m2 et la peinture SUPER THERM® 96,2% ou 11 670 W·h/m2.
Il est essentiel de garder à l'esprit que le béton est un matériau ayant des propriétés réfléchissantes plus intéressantes que bien d'autres, l'asphalte par exemple, lequel absorbe jusqu'à 93% de l'énergie solaire incidente. Or, les toitures en asphalte, en goudron, ou autres produits similaires sont assez répandues (au Canada par exemple) et on aurait avantage à les remplacer ou à tout le moins les enduire d'une peinture réfléchissante.
Le tableau 3 suivant donne les coefficients d'absorption de quelques autres produits répandus pour la couverture de toitures. À la lumière des calculs effectués avec les données du béton, il est clair qu'il est possible de faire beaucoup mieux pour diminuer l'absorption de la chaleur solaire. Par exemple, un toit en ardoise absorbe une part importante des rayons du soleil, de même que le bitume, l'asphalte, etc.
Tableau 3 : Coefficient d'absorption de différents matériauxi
Matériau |
Coefficient d'absorption |
Béton brut |
0,60 |
Tuile terre cuite |
0,64 |
Ardoise gris foncé lisse |
0,89 |
Acier galvanisé neuf |
0,64 |
Acier rouillé |
0,92 |
Aluminium poli |
0,15 |
Asphalte |
0,93 |
Selon un article4 paru dans le journal The Guardian, chaque 10 m2 de surface urbaine foncée qui serait peinte en blanc aurait le même impact refroidissant que d'éviter l'émission de 1 tonne de CO 2. Cette affirmation vaut la peine d'être examinée d'un peu plus près.
On associe souvent, pour fin de calcul d'émissions ou de température de combustion, le pétrole à de l'isooctane C8H18. En outre, l'équation de combustion stoechiométrique de ce carburant est donnée par :
C8 H1812,5 O23,773 N2 8 CO29 H 2 O47,16 N2
C'est dire que une tonne (1 000 kg) de CO2 serait donc émise lors de la combustion de 463 litres d'essence. Dans la seule région de Los Mochis, au Mexique, il y a près de 100 000 demeures individuelles5 dont la surface projetée au sol est de l'ordre de 70 m 2, en moyenne. C'est dire que la surface totale de toitures (excluant les commerces et l'industrie) serait de l'ordre de 7 000 000 m2 pour cette région seulement. Un programme municipal pour rendre les toitures plus réfléchissantes aurait donc un impact similaire à éviter de brûler 324 million de litres d'essence, selon l'article du Guardian.
Selon Statistiques Canada, la voiture moyenne parcourt 16 500 km/année au Canadaii. Au Mexique, les gens se déplacent souvent en voiture, dû au manque d'infrastructure pour le transport en commun dans les petites villes, mais sur de courtes distances et il est probable que la moyenne des gens parcourt bien moins que cette distance annuellement. Or, une voiture standard qui parcourt 16 500 km/an et qui consomme quelque 10 L/100 km (un chiffre conservateur) nécessiterait donc environ 1 650 l par année.
Pour consommer 324 million de litres d'essence annuellement il faudrait alors que 200 000 voitures parcourent les 16 500 km/an. Considérant le nombre de foyers de la communauté visée et considérant que peu de foyers possèdent un véhicule, ceci signifierait que peindre les toits en blanc, ou mieux encore, avec une peinture ayant des propriétés telles que celles du produit SUPER THERM®, aurait le même impact que de ne pas utiliser de véhicules personnels dans toute la ville pendant au moins 2 ans. Ceci a vraiment de quoi faire réfléchir les autorités publiques, autant celles des pays riches, qui pourraient subventionner un tel programme dans les pays pauvres de la couronne tropicale afin de contribuer au maximum à l'arrêt de la progression de la hausse des températures du globe, que des municipalités concernées, qui pourraient y voir une façon d'améliorer la qualité de vie de leurs citoyens.
5 Aspect financier
Une peinture ordinaire au latex produit un effet désirable à un prix assez modeste, quoiqu'une part importante de la population du globe ne saurait se permettre le luxe d'investir même un faible montant alors qu'il est déjà difficile de se payer de quoi manger. Il est possible par exemple de trouver un produit de base à $299,00 MXN ($24,60 CAD) pour 19 litresiii, soit de quoi appliquer 2 couches de peinture sur une surface de 70 m2. Au Mexique, l'économie potentiel qu'il est possible de réaliser avec un tel investissement est de l'ordre de $100,00 MXN par moisiv, pendant les mois les plus chauds (de début mai jusqu'à la fin octobre, i.e. 6 mois par années). Vu le coût d'investissement, on constate qu'en seulement 3 mois, le montant initial déboursé sera remboursé en entier et dès lors, l'économie se traduira par un surplus financier dans le budget familial. Par surcroît, le milieu de vie sera plus agréable car les températures extrêmes seront beaucoup plus rares.
Plus prometteur encore est le produit SUPER THERM® qui se vend $35,00 CAD le litre. Il s'applique au taux de 100 pi2 par gallon US, c'est-à-dire 2,46 m2 par litre. À ce taux, il en coûterait $996.00 CAD (un peu plus de 12 000 MXN) pour couvrir un toit d'à peine 70 m2, en plus des frais de transport pour cette marchandise qui n'est pas actuellement facilement disponible partout.
On peut cependant supposer que le coût diminuerait grandement pour des achats plus volumineux, ce qui deviendrait intéressant sur le plan financier et environnemental, vu l'effet réfléchissant accru du produit (d'un facteur de 20% selon les fiches techniques respectives) et sa meilleure performance pour refroidir le milieu de vie familial. Il est probable que les économies réalisées sur une base annuelle seraient de l'ordre du prix d'acquisition du produit, ce qui signifierait une économie réelle dès la deuxième année.
Il apparaît nécessaire pour les pays riches de porter attention aux effets que le niveau de vie élevé de leurs sociétés peut avoir sur le globe tout entier. Il serait donc envisageable de faire assumer à ces sociétés une part non-négligeable des frais à encourir pour appliquer cette stratégie dans les pays où l'impact serait maximal. Une aide pourrait être accordée, en partie sous forme de dons, en reconnaissance du tort qui est causé chaque jour par les pays développés à l'équilibre thermodynamique entre notre planète et l'espace intersidéral, et en partie sous forme de prêts, à des taux avantageux. En particulier, il apparaît comme une stratégie gagnant-gagnant pour une compagnie oeuvrant dans l'industrie du pétrole de redorer son image en subventionnant, sur une base volontaire (mais non par pur altruisme), le déploiement et la mise en oeuvre de cette approche dans les pays émergents situés près de la couronne tropicale.
Pour donner une idée du bénéfice envisageable de miser sur les pays équatoriaux, voyons l'impact d'investir dans cette région plutôt qu'à des latitudes élevées, comme au Canada par exemple.
La ville de Montréal étant située à 45° 31' Nord, il en découle que le soleil ne se trouve jamais à plus de
68° d'élévation. Le rayonnement solaire est donc atténuée d'un facteur 7% de plus à Montréal qu'à l'équateur, dans le meilleur des cas, alors que pendant la saison froide, son atténuation avoisine les
26%. Par ailleurs, l'élévation du soleil étant moins importante à Montréal, l'intensité du rayonnement qui atteint une surface plane a un impact réduit sur le réchauffement de celle-ci d'un facteur variant entre 93% en été à 37% en hiver. Ainsi, si le coût d'enduire les toits plats à Montréal était le même que dans les pays équatoriaux, l'impact de cet investissement serait 14% moins important dans le meilleur des cas. En hiver, cette stratégie est carrément inutile puisque les toits sont fréquemment recouverts de neige et le problème ne se pose même pas.
Il serait par ailleurs considérablement avantageux d'augmenter artificiellement la réflectivité des surfaces dans des régions du monde qui jouissent d'un fort rayonnement solaire au cours d'une année plutôt que de s'attarder à des régions qui enregistrent très peu d'heures d'ensoleillement. Afin de maximiser la valeur de l'investissement, il serait donc de mise d'examiner les données climatiques du globe‡ et de concentrer les efforts là où l'insolation est maximale.
Bref, s'il est difficile de chiffrer à quel point il peut s'avérer plus avantageux d'investir pour mettre en oeuvre la stratégie proposée dans les tropiques plutôt que dans les régions nordiques, il est clair qu'un même investissement aurait un impact global beaucoup plus important près de l'équateur que près des pôles. C'est donc là qu'il faut agir en tout premier lieu.
6 Conclusion
Nous avons vu qu'il est possible de réduire la progression du réchauffement global en augmentant la réflectivité des toitures et qu'une telle mesure aurait également un grand nombre de bénéfices secondaires :
1. amélioration du confort dans les foyers n'ayant pas accès à la climatisation;
2. amélioration du niveau de vie des familles à faibles revenus qui dépensent actuellement une part importante de leur moyens financiers pour abaisser la température du domaine familial à un niveau supportable;
3. diminution de la température extérieure locale (ilots de chaleur);
4. diminution des émissions de GES provenant de la génération d'électricité à partir de centrales thermiques;
5. augmentation de la réflexion du rayonnement solaire incident et abaissement de la température du globe associée.
La mise en oeuvre d'un programme structuré ciblant une région donnée de la zone tropicale aurait pour effet de sensibiliser une population pour qui les préoccupations quotidiennes l'emportent majoritairement sur les questions d'ordre environnemental. Une petite ville où seraient implantées avec succès de telles mesures pourrait servir de modèle à toute une nation et influencer positivement d'autres régions. L'augmentation de la qualité de vie d'une communauté permettrait de changer les mentalités en ce qui concerne le fragile équilibre entre l'homme et la nature.
Si les régions où il serait particulièrement avantageux de procéder avec cette approche sont souvent aussi les moins riches du globe, leurs habitants sont par ailleurs très peu responsables du problème aigu que représentent les changements climatiques à l'heure actuelle. Paradoxalement, ils en sont aussi les premières victimes, avec la croissance de la fréquence des phénomènes extrêmes (ouragans, pluies diluviennes, sécheresses) et la crue des océans. Il y a donc une urgence à agir et une obligation morale qui incombe aux pollueurs, actuels et passés. Le Canada, 13ème plus grand émetteur de CO2 par habitant en 20076, fait de plus en plus mauvaise figure sur la scène internationale et gagnerait en notoriété en s'impliquant dans le financement d'un programme international pour rendre les toitures des bâtiments plus réfléchissantes. De même, les compagnies pétrolières oeuvrant dans les sables bitumineux albertain pourraient dorer leur image et courtiser le respect du public en subventionnant une telle entreprise sur une base volontaire, de façon à faire contrepoids au tort qu'elles causent à la planète et à la réputation du pays tout entier en exploitant les gisements du sous-sol canadien.
NOTES
i http://www.outilssolaires.com/Glossaire/pop-absorption.htm. Dernière consultation le 21 décembre 2010.
ii Voir les données sur la population canadienne : Statistics Canada, The Daily, Canada's Population 28 mars 2006. http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/060328/dq060328e-eng.htm. Dernière consultation le 21 déc. 2010. Voir aussi : Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Indicateurs de mieux-être au Canada, Environnement
– Transport. http://www4.hrsdc.gc.ca/.3ndic.1t.4r@-fra.jsp?iid=67. Dernière consultation le 21 déc. 2010.
iii Voir le site Pinturas & Pintores ADLER: http://www.sinaloamall.com/index.php?mod=products&p=adler&ID=378.
Dernière consultation le 22 décembre 2010.
iv Basé sur le nombre de kW-h moyen requis par mois pour une demeure où a été appliqué une peinture réfléchissante au cours de l'été 2010, à Los Mochis, au Mexique. Les économies mensuelles se sont chiffrées à $105 MXN ($8,64 CAD) par mois, malgré une augmentation des tarifs d'électricité par rapport à l'année précédente.
‡ On peut se donner une idée rapide du taux d'ensoleillement d'une région en utilisant le logiciel HOMER. Voir le site internet http://www.homerenergy.com/.
8 Références bibliographiques
1 Sean O’Driscoll, The Washington Post, 18 septembre 2010. http://www.washingtonpost.com/wp- dyn/content/article/2010/09/16/AR2010091607740.html. Dernière consultation le 4 octobre 2010.
2 Mark Henderson, The Times, 27 mai 2009, http://www.timesonline.co.uk/tol/news/environment/article6366639.ece.
Dernière consultation le 4 octobre 2010.
3 Jui Sheng Hsieh, Solar Energy Engineering. Englewood Cliffs, New Jersey : Prentice Hall. 1986. 553 pages.
4 David Adam, Paint it white, The Guardian, 16 janvier 2009. http://www.guardian.co.uk/environment/2009/jan/16/white- paint-carbon-emissions-climate. Dernière consultation le 21 décembre 2010.
5 Instituto Nacional de Estadística y Geografía, Ahome, Sinaloa. http://www.inegi.org.mx/sistemas/mexicocifras/default.aspx?ent=25. Dernière consultation le 21 décembre 2010.
6 Indicateurs des Objectifs du Millénaire pour le développement. http://mdgs.un.org/unsd/mdg/Data.aspx. Dernière consultation le 24 décembre 2010.