Les confessions d'un photographe-conteur: Rafi Toumayan se raconte à son éditeur
En quête d’une nouvelle forme d’expression, Rafi, cinéaste et photographe affirmé, semble avoir désormais mis de coté l’image pour se consacrer à la parole.
... S’agit-il d’une évolution ?
Pourquoi avez-vous décidé de raconter les histoires des savants, et comment les avez-vous choisies ?
"Passionné depuis mon enfance par les étoiles, j’ai construit mes propres téléobjectifs pour observer le ciel et le photographier ; je rêvais de devenir astronome... ou bien photographe !
D’où ma fascination pour les histoires de Newton et de Galilée, pour leurs découvertes, leurs lunettes et télescopes...
Et puis, après avoir connu ces personnages, je me suis découvert un intérêt pour les sciences en général et pour les vies de ses protagonistes, les hommes et les femmes qui ont contribué à l’évolution de notre culture et de notre société.
J’ai raconté l’histoire d’Archimède et puis d’Einstein et, plus récemment, celle de Marie Curie. Je travaille en ce moment sur le personnage de Leonardo da Vinci".
Vous parlez de personnages : comment créez-vous votre conte ?
"J’étudie l’histoire du savant en question grâce aux biographies et aux essais qui lui sont consacrés ; je lis également des biographies romancées qui, malgré leur éloignement des faits, sont une source potentielle d’idées pour la création de mon scénario.
En effet, je procède exactement comme je faisais au temps de mon travail dans le monde du cinéma : pour réaliser un film j’écrivais un scénario et je créais un décor dans lequel je faisais agir mon personnage ; aujourd’hui je fais la même chose, m’amusant à décrire les détails du décor sur mon estrade dépouillée, afin que les enfants puissent plus facilement imaginer la vie du savant dont je raconte l’histoire.
Je mets toujours en scène un moment particulier de l’existence de mon personnage : le voyage de Darwin aux Îles Galápagos, l’aide de Marie Curie aux soldats pendant la Grande Guerre..."
Vos contes, sont-ils à la première personne ? Êtes-vous un personnage vous même ?
"Non, je préfère donner la parole à quelqu’un qui ait une perspective particulière sur l’histoire racontée; voilà pourquoi dans mes récits il y a toujours un personnage inventé : Bakary, par exemple, le jeune ex-esclave qui voyage avec Darwin et puis avec Wallace ; c’est à travers ses yeux que l’on découvre des terres inconnues, et c’est grâce à ses expériences avec les deux naturalistes que l’on apprend le principe de la sélection naturelle et les mécanismes de l’évolution. Ou encore les deux soldats, Marcellin et Cyprien, qui voient passer la jeune Marie Curie au volant de son ambulance..."
Où racontez-vous vos histoires ? Pour quel public ?
"Mon public est habituellement composé par une trentaine (ou plus !) d’enfants entre les 8 et les 12 ans, et nous sommes accueillis dans des médiathèques françaises et suisses ; j’ai récemment été invité à la Cité de la Science et j’ai également participé aux Journées de la Nature à Lausanne, Suisse, le mois dernier (mai 2013)".
Quelles sont les réactions de votre jeune public ?
"Je donne aux enfants la possibilité d’intervenir dans mon histoire, je les rends protagonistes ; ils aiment finir les phrases que je laisse intentionnellement incomplètes, faisant de mon récit un conte interactif.
A la fin du conte, mon jeune public est invité à faire quelques expériences simples et drôles pour vérifier le discours scientifique : savez-vous, par exemple, combien pèse votre doigt ? C’est le Principe d’Archimède qui vient à la rescousse..."
Avec Le roman secret de l’évolution, vous êtes passé de l’oralité à l’écriture...
"En réalité l’écriture est la base de mon travail : pour raconter une histoire j’écris un texte, un canevas sur lequel j’improvise ; à force d’ajouter ou soustraire des éléments pendants mes performances, j’arrive à une forme textuelle satisfaisante, et là je me décide à la rendre définitive".
Paris, le 3 juin 2013