« L’homme qui devint gorille » est un ouvrage qui recourt au récit fantastique pour analyser les ressorts psychologiques de l’être humain confronté aux contraintes de la condition animale. L’argument, la permutation du cerveau entre un homme et un gorille, est purement imaginaire, mais cristallise les situations de conflit entre le corps et l’esprit, entre l’être et la personne, entre la nature et la culture. On pense irrésistiblement à l’aventure vécue par la créature de Frankenstein dans l’ouvrage culte de Mary Shelley.
L’auteur, H.J. Magog, s’intéresse surtout au gorille qui a reçu un cerveau humain. Il décrit la profonde détresse de ce dernier puis son refus d’être réduit à sa simple enveloppe corporelle. En effet, le gorille voit son comportement s’humaniser par la seule volonté émanant du cerveau transplanté. Il va écrire, parler, bref, devenir homme. L’être humain qui a reçu un cerveau simiesque, au contraire, perd d’emblée sa conscience et se comporte immédiatement et sans retour en gorille. Il saute comme un arboricole, se frappe la poitrine et se balance de façon instinctive. A la révolte et à l’action du premier, le second oppose résignation et passivité.
H.J. Magog adopte clairement la position philosophique selon laquelle l’existence prime l’essence. Pour lui, comme pour Vercors dans « Les Animaux Dénaturés », « l’humanité n’est pas un état à subir mais une dignité à conquérir ».