La date de naissance de Wallace n’a cessé de prêter à confusion au fil des années, ainsi que l’origine de l’orthographe de son second prénom, « Russel », écrit avec un seul « l ». Penchons-nous d’abord sur sa date de naissance.
Il peut sembler étrange qu’une telle question se pose, mais, en 1823, il n’existait aucun registre officiel des naissances, en tout cas dans le Monmouthshire. Des années durant, Wallace lui-même a cru être né en 1822, et l’erreur s’est glissée dans plusieurs ouvrages biographiques de référence de l’époque. Le jour précis de sa naissance a lui aussi été sujet à débat, comme en témoigne ce qui suit.
Malgré l’absence de registres d’état civil, deux sources font état de la date de naissance de Wallace : le livre de prières de la famille Wallace, et les actes de baptême de l’église St. Madoc située à Llanbadoc, au Pays de Galles. Le livre des prières donne le 8 janvier 1823 comme date de naissance, et le 19 janvier comme celle de son ondoiement. Le registre paroissial donne également le 8 janvier 1823 comme date de naissance, et son baptême est indiqué avoir eu lieu le 16 février. Pourtant, John Wilson, biographe de Wallace, avance le 18 janvier 1823 pour la date de naissance de Wallace. Il commet deux erreurs.
Tout d’abord, la date consignée dans le registre paroissial est bel et bien le 8 janvier, mais le chiffre « 8 » y est agrémenté d’ornements étranges, si bien qu’on le confond aisément avec un « 18 » – ce qu’a fait Wilson. Le biographe se trompe une seconde fois : selon lui, après avoir découvert l’erreur portant sur son année de naissance, Wallace en aurait fait part dans une lettre à son ami de toujours E.B. Poulton. Il lui aurait expliqué être né, en réalité, le 18 janvier 1823. Or, l’anecdote est incorrecte : j’ai retrouvé la lettre en question et j’ai pu m’assurer que Wallace indique le 8 janvier 1823. Dans tous les cas, la date du 8 janvier est bien plus cohérente : un ondoiement le 19 janvier serait trop proche du 18 janvier pour que cette date de naissance soit envisageable.
La question du second prénom est plus complexe à résoudre. Deux éléments étroitement liés sont à prendre en compte : (1) pourquoi « Russel » est-il orthographié avec un seul « l » ? et (2) quand cette orthographe a-t-elle été établie : aussitôt après la naissance, ou plus tard ?
Wallace aborde le sujet dans son autobiographie : « D’autres proches de la famille Greenell, enterrés à Hertford, se nommaient Russell et Pugh. Une grosse bague de deuil pour homme à la mémoire de Richard Russell m’a été remise par Miss Roberts ; je présume que c’est à cet homme que je dois mon second prénom, quoique le mien, sans doute à cause d’une erreur de registre, s’écrive toujours avec un seul l, particularité qui fut sans cesse portée à mon attention durant l’enfance (...) quant au lien de parenté qui unit les Russell aux Greenell, je suis incapable de le vérifier. » Pourtant, le prénom « Russell » est clairement indiqué dans le registre paroissial. Pour autant, c’est « Russel » qui apparaît dans le livre de prières de la famille, mais il ne fait aucun doute qu’à l’origine une autre lettre suivait le l final (vraisemblablement un autre l), et qu’elle a été effacée.
Étant donné que Wallace a pris conscience dès l’enfance du caractère peu coutumier de cette orthographe, on peut supposer que la lettre a été effacée très tôt. Peut-être le vicaire de St. Madoc s’est-il contenté d’enregistrer le nom tel qu’il l’avait entendu, partant du principe qu’il s’écrivait de la manière la plus courante. Mais ceci n’explique pas le lien avec la famille Russell d’Hertford, si lien il y avait. Pas plus que pourquoi ni quand la lettre a disparu.
En enquêtant sur ce point, j’ai appris qu’un Gallois qui aurait entendu « Russell » prononcé à haute voix l’aurait très certainement écrit « Russel », car d’ordinaire, dans cette langue, le double « l » se prononce différemment. C’est peut-être ici que réside la solution. Homme de lettres, le père de Wallace connaissait cette subtilité à n’en point douter. Peut-être était-ce son intention de modifier l’orthographe du second prénom de son fils pour qu’il rappelle discrètement son lieu de naissance (aucun des autres enfants Wallace n’est né au Pays de Galles).
Charles H. Smith